lundi 14 décembre 2009

L'europe




Un avion décolle et passe au dessus de mon sac de couchage, ou un camion. Ça me réveille. Je suis arrivé tard à Mehamn, j'ai campé dès que j'en ai eu assez de marcher. Aujourd'hui, j'irai au bout de mon monde, aussi loin qu'on le peut sans s'abandonner. Le temps est mauvais, il veut que je mérite cet accomplissement et moi aussi. Je lui en aurais voulu de m'aider. Je n'ai pas d'itinéraire, il n'y en a pas vraiment en fait, même si je ne suis pas le premier. Tout au plus je peux essayer de comprendre les actions de ceux qui m'ont précédé.

Je pars dans la mauvaise direction. Pas mal intentionnée en soi, mais peur de l'eau que peut contenir une rivière. Les paysages sont encore terrestres, il reste de la végétation et les cairns se détachent encore du paysage, m'évitant de me perdre dans quelque pensée. J'ai fini de contourner la rivière. Du promontoire ou je me trouve, elle n'a pas l'air dangereuse. On la surestime pour avoir à choisir entre un choc et un effort, il est naturel de se méfier des voies directes.

Je finis par ne plus voir de cairns. Ce ne sont plus que des tas de cailloux sur un amoncellement de roches. Il n'est plus possible de distinguer cette finesse et je n'ai plus qu'à suivre mon instinct, mon propre Nord. Les monolithes sont de plus en plus gros. Je ne peux souvent plus sauter de l'un à l'autre et suis forcé de les escalader. Les uns après les autres. Je n'ai plus aucun moyen de savoir si j'avance droit. Je passe de temps en temps à côté de petits lac, puis de la côte je les ai vu sur un plan, mais n'y en aurait-il pas ailleurs?

Le sol est plat. Il y a des rennes, un étang et des morceaux de bateau rouillé qui volent trop près de ma tête. puis cette bande de pâturage se rétrécit. Je dois passer très près de la falaise et le vent me pousse dans sa direction. J'ai peur mais je voie le bout de la péninsule. J'avance, une bourrasque me pousse, je dévie de plusieurs mètres. J'arrive enfin, mais il y a un gouffre devant moi. Je dois le passer pour terminer. J'hésite longtemps. Est-ce-que je peux descendre? Remonter en face? Revenir? Savoir s'arrêter même quand on s'est déjà engagé plus que jamais et une forme de sagesse rare. Je continue et remonte en face. Je suis au bout de l'Europe.

2 commentaires:

  1. Je savais pas que tu faisais ça, le blogue...

    Te voici un nouvel abonné!

    Et je te raconterai mon voyage "au bout du sud", je projette le même genre d'expérience pour février dans les alpes Néo-zélandaises...

    Merci de partager tes images et ta poésie, c'est très bien écrit!

    Est-ce que je te mets en lien sur mon blogue?
    A bientôt!

    P.S. T'as déjà lu "Into the Wild" (en plus du film, un livre...) Je viens d'en faire la lecture, j'ai pensé à toi du début à la fin. A lire absolument.

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  2. Hey, non je l'ai pas lu, je le lirai plus tard (y'a aussi une autre enquête moins complaisante dont Delphine m'a parlé et que j'aimerais bien lire aussi).

    Pour me mettre sur ton, blog, tu as pu voir que je ne me suis pas gêné de faire le contraire (d'ailleurs si ça te dérange, dis le, ça ne me vexera pas du tout), alors ça serait avec grand plaisir.

    A bientôt

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